© ATR

La récente et très médiatisée « affaire » Whirlpool est la parfaite illustration de ce que ni les populations ni les politiques n’acceptent plus : la fermeture en France puis le transfert à l’étranger de sites industriels parfaitement rentables. Cette course incessante aux profits est en effet sans limite puisque la Pologne, qui va accueillir la nouvelle usine Whirpool, risque fort, dans quelques années, d’être à son tour désertée au profit de la Roumanie, de la Bulgarie où de l’Ukraine, où les coûts de production seront encore plus bas — et les dividendes encore plus hauts. Mais bon, comme chacun sait, Whirlpool est un vilain groupe américain et contre ce type d’entreprises, les autorités ne peuvent semblent-il rien faire.
Qu’en sera-t-il demain si une entreprise prospère, numéro 1 mondial de sa spécialité, décide de fermer des usines et de délocaliser tout ou partie de sa production, aujourd’hui 100 % française ? La question n’est pas encore d’actualité, mais les propos récents de Christian Scherer, le nouveau patron d’ATR (Avions de Transport Régionaux), ont le mérite d’être clairs : « ATR est enracinée à Toulouse, au cœur d’Airbus City, et le restera. Est-ce que ça veut dire que les avions doivent continuer à être fabriqués en France ? Pas forcément. Notre différenciateur, ce sont nos bureaux d’étude, notre réseau commercial et notre capacité à vendre. La construction de nos avions peut se faire là où c’est le plus opportun, soit pour pénétrer de nouveaux marchés, soit pour bénéficier de coûts de la main-d’œuvre beaucoup plus avantageux, même si aujourd’hui nous ne souffrons pas d’un handicap de coûts. »
ATR, filiale à parité d’Airbus et de l’Italien Leonardo, est donc le leader mondial des avions de transport régionaux à turbo-réacteurs — moteurs à hélices. En outre, en « dépit » de leur fabrication 100 % française, les différents modèles d’ATR ne souffrent pas d’un handicap de prix, comme le reconnaît lui-même M. Scherer. Bref, tout va bien.
Et bien non !, car ATR est beaucoup trop « franchouillard », pour reprendre le terme du nouveau patron. « ATR doit se transformer pour être plus international, plus cosmopolite, plus moderne, moins artisanal, moins local ». Aujourd’hui, 90 % des salariés d’ATR sont en effet français. L’entreprise vendant à plus de 200 clients dans 100 pays, cela n’est semble-t-il « plus possible ». Même si c’est avec ces mêmes 90 % de salariés français qu’ATR est devenu numéro 1 mondial.
On nous a longtemps expliqué que la France ne pouvait plus fabriquer de vêtements, de chaussures ou d’électroménager en raison de ses coûts de production trop élevés. Heureusement, nous a-t-on également précisé, le pays bénéficiait d’atouts et de savoir-faire de pointe, dans l’aéronautique et l’espace en particulier, qui le protégeaient d’éventuelles mauvaises surprises.
Christian Scherer nous apprend que ce n’est plus vrai, puisque même leader sur son marché et parfaitement compétitif en termes de coût, un constructeur d’avions peut parfaitement décider de délocaliser sa production. Pourquoi ? Pour être moins « franchouillard » !
Il est à craindre qu’avec des dirigeants d’entreprise d’un tel acabit, les perspectives en termes d’emplois industriels ne soient pas des plus réjouissantes. Pouvoirs publics et salarié(e)s français ne sont sans doute pas au bout de leur peine…

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